Cyril Horiszny. Photojournaliste.

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Dix ans après…

 

 

«Ils l’ont terminé en catastrophe avec de la colle» plaisantent de jeunes Ukrainiens. Erigée en quelques mois à peine sur la Place de l’Indépendance à Kiev, l’interminable colonne de marbre surplombée d’une Déesse n’est que la plus apparente des innovations dans une capitale rénovée à la hâte depuis février dernier.
Ce nouveau monument à la gloire de l’Ukraine post-soviétique est aussi kitch que coûteux. Mais le président ukrainien n’a pas lésiné sur les moyens pour célébrer avec faste les dix ans de l’indépendance en ce 24 août 2001, et pour laisser son empreinte par la même. Les opposants au pouvoir, eux, voient avant tout dans ces travaux le meilleur moyen de paralyser les manifestations contre Léonid Koutchma.

 

En arrière-plan, quelques grues se dressent encore dans un théâtre des festivités inachevé, comme l’allégorie de l’Ukraine indépendante, embourbée dans un chantier sans fin. La brochette de chefs d’Etat et autres délégués venus des quatre coins du monde à cette occasion auront beau se délecter du défilé militaire grandiose, la mise en scène est bien trop huilée pour faire croire au bonheur du peuple. Les feux d’artifice un peu partout dans le pays et les décibels des groupes rock ukrainiens en vogue réjouissent des milliers de noctambules. Mais les festivités servent surtout de distraction face à l’amertume du quotidien.

 

Car dix ans après l’indépendance, le paradis promis ou espéré n’est toujours pas au rendez-vous. L’Ukraine n’échappe pas au désenchantement des pays en transition bien que le sentiment national reste important. On fête alors une décennie d’indépendance chancelante et d’un nouvel Etat-nation, rendu cependant responsable aux yeux d’une partie grandissante du pays de la crise économique et des querelles politiques, inconnues auparavant. Le discours rassurant et patriotique d’un président dans la tourmente sonne faux, alors que le pouvoir autoritaire et corrompu prive tout un pays de démocratie et de réformes tant attendues.

 

Une illusion, couronnée par la présence aux cérémonies de Vladimir Poutine, discret en Russie à l’occasion du 10e anniversaire du putsch manqué d’août 1991. Cet invité d’honneur semble plutôt ravi de souffler les dix bougies de l’Ukraine indépendante, à en oublier presque ses ambitions sur la «Petite Russie» et ses  rêves d’Empire reconstitué.
A vrai dire, l’occasion surtout pour le chef du Kremlin d’appeler son homologue ukrainien au développement des liens stratégiques et au rapprochement entre «les deux frères slaves». Le bon voisinage entre les deux anciennes républiques soviétiques parait indispensable pour consolider l’indépendance de l’Ukraine.

 

Véritable enjeu stratégique dans la restauration d’un Empire, l’Ukraine apparaît néanmoins comme la pièce manquante du traité d’Union Russie-Biélorussie aux yeux de V. Poutine, et la récente adhésion de la Moldavie ne suffit pas à recréer en Europe un pôle militaire capable de contrebalancer l’OTAN. Dans cette optique, la récente fusion des réseaux électriques russe et ukrainien laisse de nombreux observateurs sceptiques.
Désavoué à l’Ouest, face à la dérive autoritaire de son pouvoir, le président Koutchma brûle ses dernières cartouches en renforçant un peu plus l’idylle du couple russo-ukrainien. Pour les Ukrainiens tournés vers l’Europe, cette 13e rencontre entre les deux chefs d’Etat laisse surtout craindre le retour progressif de l’Ukraine dans l’orbite de Moscou.  Un cadeau empoisonné pour un anniversaire décidément bien artificiel.


© 2001 Cyril Horiszny  

 

 

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