Cyril Horiszny. Photojournaliste.

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Un accueil pas très «orthodoxe»…

 

 

Hasardeuses destinations que les terres orthodoxes lorsque l’on est représentant de l’Eglise catholique ! Après ses visites de la Roumanie et de la Géorgie en 1999, cette fois c’est un pèlerinage au cœur d’une poudrière religieuse qui attend le pape Jean-Paul II en Ukraine du 23 au 27 juin 2001. Un voyage historique dans l’un des berceaux du Christianisme oriental, destiné à rencontrer les deux communautés catholiques du pays, toutes deux minoritaires. L’une, dite «gréco-catholique» ou «uniate» observe le rite byzantin, l’autre le rite latin, deux de ses responsables viennent précisément d’être nommés Cardinaux.

Une visite capitale pour des communautés longtemps martyrisées à l’époque soviétique, mais perçue comme une intrusion par l’Eglise orthodoxe russe et son chef Alexis II. Proche du Kremlin, le Patriarcat de Moscou préserve sa mainmise sur la moitié des paroisses d’Ukraine et certains grands centres religieux. La majorité des Orthodoxes en Ukraine reste sous sa juridiction malgré l’indépendance du pays en 1991, leur chef le Métropolite Svobodan se fait l’écho du véto moscovite à la venue du pape.

 

Mais un tel climat de tension repose avant tout sur la résurgence de la communauté gréco-catholique majoritaire à l’Ouest de l’Ukraine. Née en 1596, avec le rattachement d’une partie du clergé orthodoxe à Rome, l’Eglise gréco-catholique (appelée Uniate) s’émancipe de Moscou tout en préservant son rite byzantin. Elle devient au fil du temps le drapeau national et spirituel d’un peuple privé d’Etat mais connait ses heures noires à partir de 1946.
Interdite et annexée de force à l’Eglise orthodoxe russe par Staline, elle survit alors dans la clandestinité et en diaspora. Mais nombreux de ses fidèles, au premier rang desquels le Cardinal Slypyi peupleront les camps de concentration soviétiques sans renier leur foi pour autant. La chute du communisme inaugure le renouveau d’une communauté estimée à environ 5 millions de fidèles, dans l’Ouest de l Ukraine principalement, bastion de l’indépendantisme ukrainien.

 

Dans un climat de tension, la restitution de leurs biens provoque de véritables batailles rangées avec les Orthodoxes jusque dans les plus petits villages. Cette résurgence agace le patriarcat de Moscou privé de centaines de paroisses depuis l’indépendance. Dans l’Ouest de l’Ukraine, les conflits s’apaisent avec le temps, les deux confessions cohabitent bon gré mal gré. Les tensions politico-religieuses et les disputes théologiques restent dans tous les esprits, mais l’heure est aujourd’hui au débat œcuménique et à la reconstruction. En attendant, les Gréco-catholiques savourent leur liberté retrouvée, les églises pleines à craquer le dimanche poussent comme des champignons.

 

Mais l’influence de l’Eglise orthodoxe russe en Ukraine se fissure également depuis le début des années 90 face a l’émancipation de deux Eglises sécessionnistes : L’Eglise orthodoxe autocéphale et l’Eglise orthodoxe du Patriarcat de Kiev, dirigée par l’ancien métropolite Philaret Denysenko. A 71 ans, le patriarche excommunié et décrié par l’Eglise russe apparaît en Ukraine comme l’architecte potentiel d’une orthodoxie unifiée, indépendante et légitime. Une ambition qui ne laisse pas indifférent le patriarcat de Constantinople (aujourd’hui Istamboul), auprès duquel les deux Eglises dissidentes recherchent leur reconnaissance canonique.
Premier siège honorifique de l’Orthodoxie, la «deuxième Rome» a perdu de son éclat, mais manifeste aujourd’hui une orientation œcuménique et pro-occidentale. Dans ce contexte, la rencontre du pape prévue avec les représentants des  Eglises ukrainiennes dans le cadre du Conseil Ecclésial Pan-ukrainien, irrite un peu plus Moscou et laisse planer à ses yeux un parfum de conspiration entre Rome et Constantinople.

 

Défi de l’unité pour les uns, tentative de déstabiliser le Patriarcat de Moscou pour les autres, à 81 ans, le pape Jean-Paul II ne semble pas abdiquer dans sa croisade pour le rapprochement des Eglises chrétiennes d’Orient et d’Occident. Il semblerait chercher à renouer le fil d’un dialogue entamé dans les années 60, mais détérioré depuis 10 ans. L’Ukraine, principale pomme de discorde, apparaît comme le rempart le plus solide sur le chemin de Moscou.

Cette visite déterminera certainement l’avenir des relations et la possibilité pour le pape de rencontrer un jour la seule grande autorité spirituelle qu’il n’ait jamais croisé : Alexis II de Russie. Un espoir de réconciliation bien maigre face à la menace de rupture agitée par Moscou à l’approche du voyage pontifical.

En attendant, l’écho rencontré en Ukraine face à cette visite reste pourtant retentissant, chez les Catholiques, en quête de soutien et de réconfort après leur persécution, mais aussi chez certains Orthodoxes, sensibles au message d’espoir de Jean-Paul II. Et puis la majorité des Ukrainiens mise également sur cet événement médiatique et l’influence du pape à des fins temporelles. Dans un pays oublié et gangrené par la corruption après dix ans d’une transition sans fin, beaucoup espèrent avec cette visite historique du Souverain pontife en Ukraine, le miracle tant attendu.


© 2001 Cyril Horiszny  

 

 

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