Cyril Horiszny. Photojournaliste.

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Et un scandale de plus !

 

 

Ce qu'il y a de scandaleux dans le scandale, c'est qu'on s'y habitue. Simone de Beauvoir ne croyait pas si bien dire. Le 20 septembre dernier, Washington accuse le président Koutchma de s’être livré en 2000 à un trafic d’armes avec l’ennemi juré du président Bush, Saddam Hussein. En violation de l’embargo des Nations Unies, la vente présumée de quatre radars militaires à l’Irak pourrait alors coûter cher à L. Koutchma, sous pression face au réveil de l’opposition ukrainienne.

 

Hasards du calendrier pour les uns, démarche calculée de Washington pour les autres, le président ukrainien crie à la machination américaine face à cette double menace «synchronisée». En septembre 2000, des enregistrements de L. Koutchma rendus publics par  son ancien garde du corps éclaboussaient l’homme d’Etat ukrainien dans l’assassinat du journaliste d’opposition Gongadzé. Cette fois ces mêmes bandes révèleraient des ventes d’armes illicites. Il aura donc fallu deux longues années aux Américains pour authentifier l’objet du nouveau scandale les concernant.

 

Ce délai attire des soupçons sur la démarche de Washington, et tombe en effet à pic pour l’opposition ukrainienne plus déterminée que jamais à faire tomber Koutchma. Mais l’attaque américaine contre le président ukrainien semble d’avantage dictée par les intérêts de G. Bush et sa lutte contre le pouvoir irakien.
L’Ukraine représente pour Washington un contrepoids de taille face à l’influence de la Russie. Malgré la dérive autoritaire du régime ukrainien depuis plusieurs années, les Etats-Unis observent mais n’interviennent pas directement. Un tel scénario attiserait la tension avec Moscou, au  risque de transformer en poudrière cette partie de l’Europe.

 

Bien que Washington affiche sa préférence pour la valeur montante ukrainienne, le démocrate et pro-occidental V. Youchtchenko, les Américains privilégient le lent mais indispensable rapprochement de l’Ukraine de Koutchma vers l’Europe et l’OTAN. Insuffler une révolution pour faire tomber le pouvoir avant les échéances électorales de 2004 pourrait mal tourner. Du reste, le réchauffement des relations entre Moscou et Washington au nom de la lutte anti-terroriste peut reléguer l’Ukraine dans l’ordre des préoccupations américaines.

 

Si ce nouveau rapport à l’Europe de l’Est ne suffit pas pour délaisser la stratégique Ukraine, Washington attaque pour la première fois L. Koutchma, au risque de jeter le pays dans les bras de Moscou. Mais cette démarche intervient surtout, au moment où pèse plus que tout la guerre contre l’Irak aux yeux de G. Bush. En quête de soutien international, le président américain entend bien punir Kiev tout comme le Bélarus (Biélorussie) de Loukatchenko, afin de démanteler un obscur trafic d’armes, héritées de l’ère soviétique. Mais plus précisément, pour dissuader tout commerce d’armement avec Saddam Hussein.

 

Une accusation américaine lourde de conséquences, car en attendant les résultats de l’enquête des experts internationaux dépêchés à Kiev, un froid souffle sur les relations ukraino-américaines au bord de la rupture. L’Ukraine l’un des principaux récipiendaires de l’aide américaine jusque là, devra commencer par se passer des 55 millions de dollars alloués à Kiev dans le cadre du programme «Pour la Liberté».
A défaut de preuves encore formelles et officielles, les Etats-Unis mesurent certainement leur geste, sans quoi l’anti-américanisme pourrait gagner du terrain en Ukraine en cas d’erreur. Kiev pourrait alors définitivement abandonner sa politique pro-européenne jusque la embrouillée, pour se tourner exclusivement vers Moscou.

 

Un scénario de rapprochement pourtant fort envisageable face à l’isolement international de l’autocrate ukrainien, devenu un paria aux yeux de l’Ouest. Bien que L. Koutchma nie toute transaction avec l’Irak, d’après les fameux enregistrements, il donnerait son accord au responsable ukrainien chargé d’exporter les armes, un interlocuteur mystérieusement disparu. A vrai dire, une telle consigne suffit à condamner moralement le chef d’Etat ukrainien, dans le contexte de sécurité internationale particulièrement renforcé ces temps-ci. L’administration Bush peut ainsi profiter de la guerre anti-terrorisme, pour légitimer cette attaque en règle.

 

En attendant, Washington semble assister en spectateur au regain de protestation contre L. Koutchma en Ukraine et ne peut que se réjouir de ce réveil de la société civile ukrainienne, encore timide néanmoins. Alors que l’image internationale de l’Ukraine se dégrade un peu plus, l’opposition ukrainienne a tout interêt à saisir sa chance et à se consolider à l’approche de présidentielles 2004 cruciales. Le rôle des Etats-Unis en Ukraine pourrait bien changer d’ici là …


© 2002 Cyril Horiszny

 

 

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